Le Bayan
Selon Alfred Mirek (“Reference Book on Harmonicas”, Moscou 1992), le premier « bayan » est conçu en 1907 à Ryazan (Russie) par le facteur Piotr Sterligov à l’attention du concertiste Jacob Orlansky-Titarenko. Si à l’origine les accordéons étaient bisonores (diatoniques), Sterligov innove en créant le premier système à gamme chromatique à la main droite sur 4 rangs de boutons (et très vite 5 rangs) avec six rangs d’accords et de basses « libres » au clavier gauche. Le terme « bayan » est emprunté à la légende russe du Prince Igor et fait référence à « Boyan », un poète troubadour et magicien qui chantait des récits historiques et fantastiques en s’accompagnant de son « Gouvsi » (instrument à cordes pincées). Ce « bayan », qui permettait d’interpréter aussi bien le folklore que d’adapter des airs de musique classique, a eu un succès immédiat dans toute la Russie et l’Europe de l’Est, franchissant rapidement la porte des académies supérieures de Saint Petersbourg (1926), Moscou et Kiev (1927). La disposition du clavier droit est spécifique, avec le do en troisième rangée (a contrario du clavier italien avec le do en première rangée), privilégiant un axe naturel du poignet droit (en légère adduction).
J. Orlanski Titarenko et son bayan (1907)
Sur un plan acoustique, à la différence de la facture italienne, les anches sont rivetées sur des châssis uniques. Ce système accroit le spectre harmonique, amplifie le phénomène de résonance par sympathie et la dynamique de l’instrument. Sterligov développe rapidement son système avec 5 rangées main droite (1913), et il installe au clavier gauche les basses chromatiques avec un déclencheur en 1929. Le succès du bayan est phénoménal, il se développe dans toute la Russie et les pays de l’est, avec une production industrielle déployée au sein des usines de Tula, Voronezh et Moscou (usine expérimentale sous gouverne de l’Armée soviétique). Il faudra attendre 1989 avec la chute du mur de Berlin pour que cet instrument, étendard du savoir-faire soviétique livre quelques uns de ses secrets à l’Europe occidentale. A Moscou, les « masters » (facteurs d’accordéons) rivalisent alors d’ingéniosité et de prouesses techniques pour moderniser le bayan : développement de sa tessiture (qui ira jusqu’à 64 notes et 7 octaves main droite), de sa registration (jusqu’à 5 voix et 15 registres main droite et 3 voix main gauche, l’allègement du poids, son design, etc.) Parmi les ingénieurs les plus réputés, citons Nicolaï Kosorukov (modèles « Timbral accordion »), Sinitsky, J. K. Volkovich (modèle Jupiter), Leonty Chulkov, Aleksey Glagolev, V.P Hegstrom, Vladimir Gorbunov, Vassili Artjomovitch Koltchin (modèles Rossia, Appassionata).
“Le bayan, d’hier à aujourd’hui…
Entretien avec Françoise Jallot (journaliste du magazine de l’accordéon), pour “La lettre du musicien”: Qu’est-ce que le bayan? Enseignez-vous le bayan ou l’accordéon? Décrivez-nous votre bayan…
“La création de la classe d’accordéon (professeur Max Bonnay) au CNSM de Paris en 2002 est une date symbolique de l’évolution de notre instrument en France. Elle témoigne non seulement de la jeunesse, mais aussi du retard de l’accueil de l’accordéon au sein de l’enseignement institutionnel.
Il semble que la connotation populaire de l’accordéon, instrument des campagnes, de la danse et des chansons, lui ait très vite fermé la porte des conservatoires depuis longtemps focalisés sur la pratique élitiste de la musique savante. A cela, dès 1959, Alain Abbott (accordéoniste Grand Prix de Rome en 1968) répondait en présentant au cours d’un récital au CNSM de Paris une sorte d’accordéon « épuré » baptisé harmonéon : A l’origine, soucieux de rendre l’accordéon apte à jouer de la « grande musique », Pierre Monichon (musicologue, professeur de Alain Abbott) avec Busato (facteur d’accordéons) supprimaient en 1948 la fonction essentielle de l’accordéon, celle des accords préconçus du clavier gauche. Il en résultait l’harmonéon, un instrument à deux claviers identiques et symétriques de chaque côté du soufflet, un instrument ” épuré”, débarrassé de son “fardeau populaire” (qui réside dans l’utilisation des accords préparés du clavier gauche). Cet harmonéont était présumé s’imposer au sein du CNSM de Paris. Les scandales et polémiques autour de l’instrument auquel on avait arraché son histoire n’ont fait que l’éloigner plus encore des hautes sphères musicales françaises.
Ce n’est que depuis 1986, qu’en France, sous l’impulsion de Marcel Azzola, Frédéric Guérouet, Max Bonnay, Myriam Bonnin, l’accordéon est reconnu par le ministère de la culture et prend peu à peu sa place dans les écoles de musiques et les conservatoires.
Au regard de son succès grandissant dans les conservatoires actuellement, il semble bien finalement que la dimension populaire et pluriculturelle de l’accordéon soit devenue un atout pour son intégration. Néanmoins, si l’accordéon rejoint aujourd’hui les hauts lieux de l’enseignement de la musique savante, il subsiste souvent une confusion des genres pour les néophytes. Car aujourd’hui encore, le spécialiste n’ose pas le nommer, l’accordéon. De peur de raviver une connotation trop populaire et campagnarde, par euphémisme on le surnomme : « accordéon de concert », « accordéon classique » ou mieux encore, «bayan ».
Afin de faire un peu de clarté sur ces termes, retraçons l’histoire du bayan, cet accordéon d’origine russe qui semble avoir exercé une large influence sur la facture instrumentale en occident et sur l’enseignement de l’accordéon aujourd’hui en France en en Europe occidentale.
La Russie est à l’origine d’une grande impulsion dans le développement de l’accordéon. Déjà, au milieu du XVIIème siècle, Johann Wilde y avait popularisé le sheng (orgue à bouche, 3000 ans avant J.C.) à la cour de St Petersbourg. De 1770 à 1790, Kratzenstein, Kirsnik, et Vogler travaillaient déjà à l’élaboration d’un instrument à anches libres. Créé en Autriche en 1829 par Cyril Demian, l’accordion a remporté un succès immédiat. De petite taille, embarqué dans les bagages des immigrants, il a conquis très vite l’Europe, puis progressivement le monde entier. Un an après sa création, il débarque en Russie à la foire de Nijni-Novgorod. Reconstruit, russifié par Sizov, Tchouikov, Vorontsov, Emilianov, sa production débute dans la ville de Tula en 1830. Très populaire, il prend le nom de garmochka et chaque région crééra son propre instrument : Ainsi naissent les Khrômi, les tchérépachki, etc… Enfin, Bakanov, Beloborodov et Sterligov en font un instrument avec des basses à boutons et un clavier (touches piano) à la main droite. Le système à l’origine diatonique (bi-sonore, avec un son en tirant, un autre son en poussant) est abandonné au profit du système chromatique à 2 rangées de boutons conçu par N.I. Beloborodov en 1870. En 1883, P.I. Tchaïkowsky utilise 4 accordéons dans sa deuxième suite pour orchestre symphonique.
En 1907, à Ryazan, le facteur d’accordéons P.E. Sterligov et l’accordéoniste Orlansky-Titarenko modernisent l’accordéon chromatique : ils créent un modèle inédit à quatre rangs de boutons à droite avec un clavier gauche composé de six rangs d’accords et de basses « libres ». Ce modèle d’accordéons permet aussi bien l’exécution d’œuvres du folklore que l’interprétation des œuvres classiques. Ils baptiseront ce nouvel instrument « Bayan ». Ce terme, emprunté à la légende russe du Prince Igor (une évocation de l’histoire des principautés ruthènes du XIIe siècle relatant l’expédition malheureuse du prince Igor), fait référence à « Boyan », un poète troubadour et magicien qui chantait des récits historiques et fantastiques en s’accompagnant de son « Gouvsi » (instrument à cordes pincées). En 1929, P.E. Sterligov présente un nouveau type de clavier main gauche : le système de déclencheur. Cette nouvelle mécanique permet, en appuyant sur un simple bouton, de passer du système harmonique d’accords préparés (“basses standarts”) au système de clavier chromatique (une note par bouton, comme pour le clavier droit). Cette invention a considérablement accru les performances du bayan. Très tôt, le bayan fait son apparition au sein des départements de la musique nationale folklorique des conservatoires supérieurs de l’Union soviétique: tout d’abord en 1926 à St Petersbourg puis en 1927 à Moscou et à Kiev.
Après un récital de Gvozdev à St.Petersbourg, en 1935, notre accordéon chromatique s’impose comme instrument de soliste. Elevé dans les années 1930 au plus haut rang des instruments de concert, des compositeurs commencent à écrire spécialement pour le bayan : En 1937, à la Philarmonie de St Petersbourg, Gvozdev joue le premier concerto pour bayan et orchestre symphonique écrit par Rubtsov et Sotnikov. En 1939, la première compétition de bayanistes en l’union soviétique est créée, les trois premiers prix étaient I. Panitsky, N. Rizol et M. Beletskaya. Parmi les grands virtuoses de cette époque il faut mentionner Y. Orlansky-Titarenko, I.Gladkov, M.Makarov, A.Kuznetsov, Y.Popkov, I.Panitsky, I.Malinin and B.Tikhonov.
Après la deuxième guerre mondiale, on voit de plus en plus de concertistes. Leurs programmes incluent aussi bien le folklore que des transcriptions de Borodine, Moussorggsky, Tchaikovsky, Stravinsky ou encore Prokofiev. Des compositeurs vont alors écrire tout spécialement pour le bayan solo: V. Zolotarev, A. Repnikov, S. Gubaidulina, A. Kusiakov, G. Shenderev, Y. Derbenko, V. Semyonov, S. Berinsky, … De célèbres solistes tels que M. Gelis, N. Rizol, V. Gorokhov, A. Onegin, P. Gvozdev et N. Tchaikin donnent l’impulsion à une nouvelle génération de musiciens tels que Y. Kazakov, A. Belyaev, E. Mitchenko, V. Galdin, Y. Vostrelov, A. Sklyarov, V.V. Besfamilnov, F. Lips, V. Semyonov, … A partir de 1966, les soviétiques commencent à participer aux concours internationaux d’accordéon (notamment à Klingenthal, ex RDA). Forts de leur technicité, de leurs instruments et de leur répertoire, leur apparition fait l’objet d’une véritable révélation et d’une grande influence sur monde musical occidental. Ainsi, le bayan devient le modèle instrumental pour les plus grands virtuoses de l’accordéon.
Le bayan a toujours eu une très grande réputation dans l’union soviétique, objet d’un grand respect, instrument de l’identité nationale, il réunissait à la fois la musique nationale folklorique et la musique « classique ». L’image du bayan, comme un miroir de la technologie et de la grande culture russe à l’étranger, était si importante pour le gouvernement soviétique, que la fabrique d’accordéons Jupiter avait été incluse au département expérimental de l’Armée Rouge.
Depuis 1989, date de la chute du mur de Berlin, les secrets de fabrication et le savoir faire russe se sont ouverts à l’occident qui, depuis longtemps tentait d’imiter les bayans. Aujourd’hui, les fabricants italiens de Castlfidardo élaborent des modèles de type « bayan », reprenant les spécificités des instruments russes tout en conservant leurs traditions artisanales italiennes. Ces instruments de grande qualité s’imposent dans les conservatoires en France, et prennent le nom d’accordéon de concert. D’autres préfèrent les nommer « bayan ».
A la différence du modèle italien doté d’un clavier de système « C » (avec le do sur la première rangée), le modèle russe possède un clavier de système « B » (avec le si sur la première rangée, le do se retrouvant en troisième rangée).La différence est aussi la conception des anches : Au contraire des modèles italiens dont les anches sont toutes individualisées, montées sur des plaquettes individuelles clouées ou encore collées par de la cire, les anches russes sont toutes assemblées sur une seule plaque de métal par sommier. Cette disposition accroît le spectre sonore de chaque anche, puisque la résonance par sympathie est amplifiée. Il en résulte un son plus riche et brillant pour le bayan, mais aussi plus doux et feutré pour l’accordéon italien. Peu à peu, le bayan s’est développé et standardisé pour devenir un instrument à 5 rangées main droite, avec quinze registres, des mentonnières (registres au niveau du menton), et une tessiture de plus de six octaves.
Si le bayan s’est répandu à travers toute l’Europe, partant de la Russie à la Pologne et les pays du bloc de l’est, puis la Scandinavie, la France, l’Espagne et le Portugal, il a cependant du mal à s’imposer dans les pays comme l’Australie, l’Italie, la Nouvelle Zelande et les Etats-Unis, où l’accordéon à touches piano garde une grande popularité.
F.J. : Et votre accordéon, bayan « Appassionata » ?
B.M.: Je pratique l’accordéon de puis l’âge de six ans. Après avoir débuté avec Jean-Marie Dazas puis Frédéric Guérouet, ma rencontre avec mon maître Vladimir Vladimirevitch Besfamilnov, entre 1993 et 1997 au conservatoire de Kiev, a été une révélation, déterminante dans le déroulement de ma vie de musicien et de professeur. J’y ai appris à maîtriser le geste musical, à communiquer la musique, à vivre et à jouer de mon instrument avec mon corps. J’ai le privilège aujourd’hui de jouer sur deux bayans uniques, élaborés par le célèbre artisan russe Vassilij Kolchin (surnommé en Russie le Stradivarius des bayans).Le premier Appassionata a été créé en 1971 et le second en 1989. Le choix du nom Appassionata fait allusion à la célèbre sonate de L.V. Beethoven, oeuvre fétiche de Lénine… Elaborés en étroite collaboration avec Besfamilnov, ces instruments sont conçus pour répondre à la moindre sollicitation du musicien. Parmi les innovations de cette facture instrumentale inédite, citons la mécanique en titane du clavier gauche, totalement réinventée, résistante et silencieuse, avec un nouveau système d’ouverture inclinée des soupapes, favorisant la puissance du timbre. La nouvelle disposition des lames par demi-ton sur les sommiers, permet un gain de place, et donc d’étendre la tessiture de 9 notes à la main gauche. Le positionnement du déclencheur se situe au niveau latéral gauche (pour le pouce). Le clavier droit est doté de cinq voix, dont deux registres de piccolos (4 pieds) dont l’un est logé en boite de résonance, donnant ainsi un total de 19 registres pour le clavier droit. Dix mentonnières permettent, par substitution, d’accéder à 15 registres différents. Le clavier gauche chromatique est doté de 3 voix, le piccolo pouvant s’ajouter aux voix des accords préparés.
Voilà plus de 10 ans que je pratique le bayan russe. Même s’il m’a fallu réapprendre les claviers chromatiques (systèmes « B », avec le do en troisième rangée), mon choix était d’aller plus loin encore dans le domaine de l’expression, par la dynamique, la richesse des timbres, les nuances extrêmes. Je n’ai jamais trouvé l’équivalent sur aucun autre instrument. En concert de musique de chambre comme en solo, je joue donc sur mon bayan. Cependant, de même que l’ensemble de mes collègues en France, j’enseigne au conservatoire le système traditionnel (« C »).
Grâce à la présence de l’accordéon dans les conservatoires et au développement de la facture instrumentale en Italie et en Russie, on dispose aujourd’hui d’instruments chromatiques à déclencheurs pour tout le cursus des études en conservatoire : petits modèles pour les enfants dès l’âge de 6 ans, modèles intermédiaires et modèles professionnels de type « Bayan ».Citons entre autre les marques : Pigini, Bugari, Mengascini, Ballone Burini, Victoria, Fisart, Zero Sette, Jupiter, …
F.J.: Enseignement et accordéon : Quelle est la culture de l’accordéon ?
B.M. : Jouer de l’accordéon, c’est déjà un geste d’ouverture sur les cultures. Nous avons vu précédemment que l’accordéon régnait par sa diversité dans le monde entier. Afin d’être le plus proche possible de toutes les « cultures de l’accordéon », l’instrument qui s’est imposé en France dans les conservatoires est le « bayan », nommé aussi « accordéon de concert ». Il s’agit d’un instrument qui réunit un maximum de possibilités techniques, de timbres, de possibilités d’accompagnement, permettant de jouer toutes les musiques du répertoire traditionnel mais s’ouvrant également à la musique polyphonique, à la transcription, et à la musique contemporaine.
L’enseignement au conservatoire, s’il veut conduire l’élève à la plus grande autonomie, peut aussi le mener à vouloir s’approcher plus près d’un style ou d’une culture : le tango, le jazz, l’improvisation, la transcription, le musette, le rock, la chanson, la musique contemporaine, la musique de chambre… Certains élèves ainsi formés et ouverts à la diversité culturelle, iront parfois se spécialiser au point d’aborder un modèle d’instrument plus spécifique (bandonéon, accordéons diatoniques, …) afin d’être plus « authentique » et plus proche d’un style (je veux parler là du timbre de l’instrument).F.J.: Quel est le public de vos concerts ? B.M. : En récital, notamment dans les villages, je me suis aperçu que le concert d’accordéon « classique », bien plus que d’autres instruments, pouvait attirer plusieurs publics d’horizons culturels différents. Cependant il convient de jouer un programme varié entre transcriptions et œuvres originales pour notre instrument. J.S.Bach et W.A.Mozart par exemple sont des compositeurs de référence et de confiance pour le public de concerts « classiques » qui retrouvera là ses repères culturels dans un concert d’accordéon. Les oeuvres originales pour l’accordéon de différentes origines et styles (W.Zolotarev, V.Semyonov, T. Lundquist, O. Schmidt, B.Cavanna, L. Bério, …) iront intéresser et enrichir les connaissances d’un public néophyte. Le concert d’accordéon a donc la capacité d’attirer un large public habitué à d’autres sonorités et styles. Un bon interprète aura conquis le public en l’initiant à d’autres musiques. L’accordéon, par ses qualités pluriculturelles, n’est-il pas un bon moyen de réunir les différents publics ?
A propos, je voudrais citer une anecdote concernant Mstislav Rostropovich : en mai 1996, le célèbre violoncelliste a été surpris de voir que, à l’occasion de sa tournée sponsorisée par le gouvernement Russe avec l’accordéoniste (ou bayaniste) Yuri Kazakov, ils n’ont pas été invités à jouer dans les grandes villes (Moscou, Kiev, St Petersbourg, …) , mais au contraire, ils ont joué dans une centaine de petits villages, aussi bien dans des petits théatres, maisons privées , que dans des granges ! Ils jouaient aussi bien des airs folkloriques que du Bach, de la musique classique inspirée du folklore, ou encore de la musique contemporaine. Rostropovitch disait que souvent, certaines personnes du public n’avaient jamais entendu de musique classique et que l’accordéon de Kazakov était toujours très bien accueilli, permettant le lien entre les différents styles et les époques.
Pour conclure, si l’on compare l’évolution de l’accordéon en Russie et en France, en prenant pour repère les années respectives de la création de classes d’accordéon au sein des conservatoires supérieurs (1926 pour Moscou, 2002 pour Paris), on mesure l’ampleur du retard pris en France. Dès 1907 en Russie, la création du bayan était la réponse à la demande des compositeurs et des interprètes, soucieux de trouver dans cet instrument un compromis entre musique savante et de musique populaire. Cette diversité culturelle est aujourd’hui à considérer comme une vraie richesse, et, si l’accordéon a tardé à s’intégrer à la grande école de la musique en France, on peut affirmer que, grâce à l’influence du bayan, il s’impose aujourd’hui comme un instrument de la plus grande modernité. Il est justement important de souligner le travail de Pascal Contet, accordéoniste français et concertiste international qui, dès les années 80, inspiré par l’œuvre de Mogens Ellegaard (son professeur), a donné l’impulsion nécessaire dans l’émergence de l’accordéon au sein de la création contemporaine. Il contribue activement à développer le répertoire contemporain avec des compositeurs comme Bernard Cavanna, Vinko Globokar, Jacques Rebotier, Jean-Pierre Drouet, Bruno Giner, Jean Françaix, etc…
En cette douloureuse époque de mondialisation et de conflits humains, je suis fier d’enseigner et de jouer cet instrument que j’appelle tout simplement accordéon, car j’y vois l’instrument du partage, de la réconciliation des peuples et des cultures, de la paix et de la liberté et de l’espoir. Accordéon ? Accordéon de concert ? Bayan ? A vous de choisir ! Pour alimenter les accros des sobriquets, voici quelques autres perles : piano à bretelles, boite à punaises, piano du pauvre, boîte à frissons, bouèze, boîte à boutons, soufflet à punaises, boîte du diable, branle poumon….”
Bruno Maurice, 17 mai 2006
Sources :
- Micha Makarenko, balalaïkiste concertiste, professeur à l’école Normale de Musique de Paris et au Conservatoire Russe Alexandre Scriabine
- Pierre Monichon, professeur d’accordéon, musicologue
- “Histoires de l’accordéon”, par François Billard et Didier Roussined. Climats-I.N.A.
- Philippe Coquemont, professeur d’accordéon au CNR de Rennes
- Olga Fyodorova, « La musique du XXème siècle en RussieYvan Netchiporko, ténor, soliste des Choeurs de l’Armée Rouge
- Henri Doktorsky, accordéoniste, compositeur, universitaire